Thursday, November 27, 2008

L’immigration choisie de la France et fuite des cerveaux en Afrique

L’une des politiques françaises les plus contestées du moment est celle sur « l’immigration et intégration » adoptée par le parlement français en mai 2006 sous l’instigation du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire d’alors, Nicolas Sarkozy. Rien que ce matin j’ai écouté, sur RFI, des débats bien nourris sur le sujet.

La tendance générale dans le milieu africain et celui de la société civile française est de condamner cette politique d’ « immigration choisie » qui vise à faciliter l’octroi de titres de séjour
aux Africains les plus talentueux tels que les artistes , intellectuels, sportifs de haut niveau, hommes d’affaires (lire article) tout en durcissant les conditions d’octroi de ces précieux documents à ceux qui n’ont pas le potentiel de créer de la valeur ajoutée en France.

Je parle d’Africains et non pas d’étrangers en général, car il faut bien croire que la loi sur l’immigration et intégration s’adresse principalement aux Africains et non aux Indiens, Chinois ou Européens de l’Est… qui rencontrent moins de difficultés d’intégration en France. La preuve est que la France demande maintenant aux pays africains d’adhérer à son accord sur « l’immigration concertée » pour faciliter la reconduite de leurs citoyens chez eux. La déduction est facile : la France ne souhaite plus accueillir n’importe quel Africain qui fuit la misère de son pays, seulement l’élite s’il vous plait !

Comme d’habitude les dirigeants africains sont pris de court par cette décision française. Ils croient que ce n’est pas juste et n’ayant pas encore fini de faire le deuil de l’esclavage et du travail forcé, ils accusent la France de vouloir encore vider l’Afrique de ses cerveaux. C’est vrai qu’il ya une part de vérité dans ce qu’ils défendent mais il ne faut pas se voiler la face. Nicolas Sarkozy propose tout simplement aux dirigeants africains un deal. Et comme aimait à le répéter un de mes professeurs et je cite : « En affaires, il n’ya pas de contrat gagnant-gagnant ; je gagne et tu perds ». La France gagne toujours dans ses contrats avec l’Afrique.

Cependant, je voudrais reconnaitre à la France le mérite de savoir que certains Africains ont du talent qu’il faut récompenser. L’Afrique elle-même semble ne pas en prendre conscience. En Afrique, le plus souvent, les professeurs émérites sont qualifiés de fous, les chercheurs ne sont pas écoutés, les techniciens sont sous-employés, les artistes et sportifs exceptionnels sont traités comme des petits valets par des managers véreux et le clientélisme est la règle en affaires. Bref, il n’ya pas de place pour le mérite dans l’environnement économique et social africain actuel.

Le problème de la fuite des cerveaux indique, à mon sens, un état de mal gouvernance dans le pays source. Un Etat qui connait un problème sévère de fuite de cerveaux est inefficace dans la gestion de ses ressources humaines. Rarement la pauvreté en est la principale cause car la pauvreté ne justifie pas à elle seule le manque d’opportunités dans un pays. Le cas de l’Inde est illustratif. L’Inde a connu pendant longtemps une émigration de ses savants vers la Grande Bretagne et les Etats Unis mais la tendance a été renversée dès que le pays a amorcé des reformes structurelles importantes qui ont posé les jalons de sa croissance actuelle.

Tant que l’Afrique ne réussira pas à instaurer un environnement social et économique compétitif et stable, beaucoup de ses fils iront valoriser leurs talents en France ou ailleurs. Les dirigeants africains ont beaucoup de défis à relever par eux-mêmes.

Tuesday, November 25, 2008

Les Burkinabé seront-ils épargnés des affres de la crise financière mondiale?

Les propos quelque peu rassurants du Premier Ministre, du Ministre de l’Economie et des Finances et du Gouverneur de la BCEAO sur la santé financière de nos banques me rappellent ceux des autorités européennes qui ont voulu rassurer leurs concitoyens sur la solvabilité de leurs banques après la chute, en septembre 2008, de la banque d’investissement américaine, Lehman Brothers, pour se décider seulement quelques jours plus tard à injecter 30 milliards d’euro dans les marchés monétaires à travers la Banque Centrale Européenne (BCE).

Ainsi, la crise financière mondiale n’aurait que des conséquences indirectes sur l’économie du Burkina Faso parce que nos banques, grâce à la réglementation en vigueur dans l’espace UEMOA, ne détiendraient pas de capitaux malsains à l’étranger. Cependant, les conséquences de la crise financière mondiale qu’elles soient directes ou indirectes affectent, à mon avis, le quotidien de nos populations de la même manière : dégradation des revenus des ménages, de l’investissement et du niveau de vie.

Examinons plus en détail les intrigues d’une crise financière dont l’ampleur et la gravité la font comparer à celle de 1929.

L’or blanc fait incontestablement la fierté du Burkina Faso dans un contexte de mondialisation économique où il est important d’acquérir et de maintenir un avantage comparatif dans un secteur quelconque. C’est aussi un secteur stratégique parce qu’il représente plus de 50% des exportations totales du pays et nourrit directement 3 millions de Burkinabé selon le Ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques, Mr. Laurent Sédogo, lors de son apparition à l’Assemblée Nationale le 25 octobre 2008.

Pourtant, le cours international du coton a déjà chuté de près de 20% par rapport à son niveau moyen de la saison écoulée. L’indice A de Cotlook qui prend en compte la moyenne des cinq cotations les plus basses de 19 pays producteurs de coton dont le Burkina Faso est passé de 0.7290 dollars US par livre (453.59237gramme) en 2006/2007 à 0.5850 dollars US par livre le 28 octobre 2008.

Avec une production annuelle estimée à 759.858 tonnes par l’INSD, chacun peut faire ses petits calculs pour comprendre que le manque à gagner dans la production du coton en 2008/2009 pourrait se chiffrer à des milliards de francs CFA (malgré l’appréciation du dollar par rapport au CFA) si cette tendance négative se poursuit.

Le secteur minier n’échappe pas non plus à la baisse générale des prix des commodités. L’or (le vrai) qui est la ressource minière principale de notre pays est cédé maintenant à 740.5 dollars US l’once troy (31.1034768 gramme) et les spéculations futures sur son prix montrent un pessimisme des investisseurs jusqu’en juin 2011. On peut donc imaginer les pertes en devises que cela va occasionner pour les exploitants de ce métal précieux et l’Etat qui a fondé beaucoup d’espoirs sur le secteur minier ces dernières années.

Le ralentissement économique dans les pays du Nord risque également de réduire la demande du beurre de karité et autres produits oléagineux qui sont des sources très importantes de revenus pour de nombreuses familles rurales au Burkina Faso.

En dehors du commerce extérieur, l’aide publique au développement est un sujet de préoccupation dans cette crise même si les institutions de Bretton Woods plaident pour un accroissement sinon le maintien des portefeuilles actuelles afin d’aider les pays sous-développés à surmonter les challenges créés par cette crise.

Au Burkina Faso, cet appel est déjà presque entendu avec la décision de la France d’accroitre son appui budgétaire au pays et celle de la Chine Taiwan de maintenir son niveau actuel d’aide. Mais la crainte en réalité ne vient pas des programmes de soutien déjà ficelés car les pays développés respectent généralement leurs engagements en matière de coopération bilatérale.

La question est de savoir si à partir de maintenant le Burkina Faso pourrait entamer des négociations avec ses partenaires techniques et financiers pour concrétiser certains projets à une période où eux-mêmes seraient soucieux de sortir leurs propres pays de la récession économique.

C’est vrai qu’il est prévu que beaucoup de pays industrialisés verront le bout du tunnel de la récession économique à partir du deuxième semestre de 2009 mais quel degré de confiance attache-t-on à cette prévision? On se rappelle que le crash boursier de 1929 a donné naissance à la Grande Dépression des années 1930 qui a duré pendant 10 ans.

A coté de l’aide publique au développement, il ya les transferts d’argent des particuliers en provenances des pays riches. Ces transferts sont de deux ordres : les dons en espèce en faveur des O.N.G et organisations communautaires de développement et l’argent que nos compatriotes envoient pour leurs familles. Les vaches sont maigres et la confiance en l’avenir est étriquée.

Dans ces conditions, il sera plus difficile pour les volontaires et spécialistes de mobilisation des ressources de réunir suffisamment de fonds auprès des personnes de bonne volonté et des entreprises même si c’est pour servir des causes aussi élevées que la lutte contre le Sida, la faim ou la sous-scolarisation en Afrique.

En outre, il est logique de penser que beaucoup de nos compatriotes qui vivent dans les pays riches travaillent dans le secteur privé où plusieurs entreprises se verront obliger de réduire considérablement leurs dépenses au risque de mettre la clé sous le verrou. Une situation de désœuvrement pourrait contraindre certains de nos compatriotes à serrer leurs bourses au détriment de leurs familles restées au pays.

J’irais même jusqu'à penser que certains candidats Burkinabé à l’immigration dans les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) vont devoir patienter peut être encore plus longtemps avant d’obtenir leurs visas au regard des taux élevés de chômage actuels et partant de l’augmentation de la dépendance aux services sociaux dans ces pays.

Les prestataires de service tels que les hôteliers, les concessionnaires de chasse, les vendeurs d’objets d’art, les musées et autres sites touristiques, les transporteurs aériens, bref tous ceux qui évoluent dans l’industrie du tourisme, risquent également de faire les frais de cette crise financière. Car il n’est pas envisageable qu’avec les difficultés pécuniaires dans les pays sources le Burkina Faso puisse enregistrer un flux touristique normal avant 2010. Pourtant, le tourisme apporterait, chaque année, environ 30 milliards de francs CFA à l’économie nationale.

La seule bonne nouvelle, à mon avis, viendrait du coté de l’inflation avec la baisse générale des prix des commodités. Le prix du pétrole brut, par exemple, est passé de 145 dollars US par baril (159 litres) en juillet 2008 à 62.98 dollars US par baril le 28 octobre 2008 à la bourse de New York, soit une chute de plus de 50%. Pendant ce temps, le dollar US a connu une appréciation d’environ 30% (un dollar s’échangeait à environ 410 FCA en juillet 2008 contre 528.750 FCA le 28 octobre 2008 selon les chiffres de la BCEAO). Cette tendance négative du prix du petrole pourrait se poursuivre jusqu’en février 2009 nonobstant une décision de l’OPEP de réduire sa production du pétrole de 1,5 million de barils par jour à compter de novembre 2008. La décision de l’OPEP n’ebranle personne car le marché est conscient du fait que le prix du pétrole va de pair avec les activités économiques.

On pourra donc s’attendre à une baisse du prix du carburant à la pompe ici au Burkina Faso, en tout cas pour les stocks acquis à partir d’octobre 2008, car le Ministère du Commerce, de la Promotion de l’Entreprise et de l’Artisanat justifierait mal le maintien du niveau actuel du prix de carburant sur la base du cours international du pétrole et du taux de change dollar US-FCFA vu que l’augmentation du coût du dollar ne saurait à lui seul annihiler l’effet bénéfique de la baisse vertigineuse du prix de pétrole brut.

Cependant, il faut déjà être riche pour profiter pleinement d’une baisse du niveau des prix des biens et services; ce qui n’est malheureusement pas le cas pour le Burkinabé moyen.

Je me résume. La crise financière mondiale peut toucher négativement les secteurs primaire, secondaire et tertiaire de notre économie. Cette situation peut se traduire par une baisse de la croissance du PIB et de l’élargissement du déficit de la balance des payements du pays. Plusieurs pays de l’espace UEMOA connaitront probablement le même sort. Au niveau de nos populations, cette crise risque d’accentuer la pauvreté et les inégalités sociales en matière d’accès des services sociaux de base.

Peut être que la réalité présentera des scenarios moins sombres que ceux que j’ai décrits dans cet article. Mais mon message est ceci. Il est important que les décideurs politiques mettent en confiance les consommateurs Burkinabé pour stimuler l’économie nationale mais il convient d’éviter les dépenses de prestige pour ne pas être désagréablement surpris. Un homme prévenu en vaut deux..