Monday, May 11, 2009

Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide : Comment l’aide peut aider à se passer de l’aide ?

La Déclaration de Paris[1] sur l’Efficacité de l’Aide au Développement(DP), adoptée le 2 mars 2005, est fondée sur les conclusions d’une série de rencontres antérieures de haut niveau entre acteurs chargés de la promotion du développement des pays développés et des pays en développement. On peut noter en particulier la Déclaration du millénaire et des Objectifs du Millénaire pour le Développement(2000), les conclusions de la conférence de Monterrey sur le financement du développement(2002), et la Déclaration de Rome sur l’harmonisation de l’aide(2003).

La DP énonce cinq principes devant désormais guider l’acheminement et la gestion de l’aide publique au développement :
1.appropriation : les pays en développement assurent le leadership dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et stratégies de développement ;
2.alignement : les pays donateurs s’engagent à reposer leurs soutiens sur les politiques et strategies nationales de développement, à utiliser les systèmes nationaux de gestion de l’aide, à délier l’aide et à améliorer sa prévisibilité pour faciliter la planification du développement ;
3.harmonisation: les pays donateurs s’engagent à mettre en place des dispositifs communs et transparents de l’acheminement de l’aide;
4.gestion axée sur les résultats: les pays en développement prennent l’engagement de disposer de cadres d’évaluation de leurs performances tandis que les pays donateurs se doivent d’établir un lien entre allocation des ressources et résultats obtenus pour chaque pays ;
5.responsabilité mutuelle : les pays donateurs et les pays en développement sont tous comptables des échecs et réussites de leurs efforts en matière de développement.

Du 07 au 08 mai 2009 s’est tenu à la Direction Générale de la Coopération(DGCOOP)[2] du Ministère de l’Economie et des Finances (Burkina Faso) un atelier d’information et de sensibilisation sur la DP qui a réuni les cadres de l’administration, les représentants de la société civile et du secteur privé de la région du centre. J’ai eu la chance de participer à cet atelier et j’ai suivi avec intérêt les différents thèmes liés à l’efficacité de l’aide qui ont été développés par les experts du suivi de l’efficacité de l’aide au plan national. Au Burkina Faso(BF), la Coordination Nationale de l’Efficacité de l’Aide(CONEA), rattachée à la DGCOOP, assure depuis 2006 la coordination de toutes les actions en faveur de l’efficacité de l’aide en collaboration avec le Secrétariat Technique pour l’Efficacité de l’Aide(STELA) qui est un dispositif de suivi de l’aide propre aux Partenaires Techniques et Financiers(PTF) intervenant dans le pays. Un Plan d’Actions National de l’Efficacité de l’Aide(PANEA) 2007-2010 fixe les indicateurs de progrès vers les objectifs de la DP pour le BF.

Lors des échanges, j’ai soulevé deux interrogations sur l’efficacité de l’aide. La première est comment le BF envisage de se départir de l’Aide Publique au Développement(APD) étant que donné que l’aide est par définition aléatoire et transitoire. Une telle question, je consens, est difficile à répondre pour un pays comme le BF qui est tributaire de l’APD : 80 % des investissements du pays sont financés par l’APD selon le Coordonnateur National de l’Efficacité de l’Aide qui exposait sur la « coopération pour le développement. » Et les données contenues dans le dernier rapport du pays sur la coopération pour le développement indiquent que l’APD représentait près de 15.18 % du PIB en 2007. Dans ces conditions, comment ne plus compter sur l’APD ?

Pour me réponse, le communicateur s’est penché sur la nécessité pour nos autorités publiques d’afficher leur volonté politique de réduire leur dépendance à l’APD en finançant progressivement nos dépenses d’investissements avec des ressources propres. Son argument sur la bonne gouvernance politique et économique pour nous sortir du carcan de l’APD était quelque peu convaincant mais pour le cas du BF les réalités sont plus dures.

Le pays manque crucialement de capital ayant très peu de ressources naturelles contrairement à ses voisins ouest africains comme la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Benin, le Nigeria, et même le Niger. Notre économie se repose sur la culture du coton (60% des produits d’exportation) qui n’est pas une source de revenus stable pour le pays au regard des distorsions constatées en permanence sur le marché international du coton.

Hors, pour ce se développer, ne serait-ce que dans le court ou moyen terme, il faut à la fois du capital humain et du capital financier et matériel. Je ne parle même pas de développement soutenable car pour cela il faut ajouter une troisième exigence qui est la technologie (et donc une éducation de qualité). C’est pourquoi j’estime qu’au BF nous devons faire mieux que les autres pour que le pari de l’auto-développement ne soit pas un leurre.

Pour commencer, nous devons savoir avec précision quels sont les secteurs les plus rentables de notre économie afin d’y investir. Par exemple, une étude publiée en 2005 par l’agence de développement international britannique (DFID) [3] indique qu’au BF l’augmentation des revenus agricoles de 1% peut permettre d’accroitre d’environ 1,88 % des revenus non agricoles, ce qui suggère que notre agriculture a des effets multiplicateurs hors pair. De telles etudes méritent d’être encouragées dans tous les secteurs économiques de notre pays et pour certains secteurs sociaux comme la santé, l’éducation, l’action sociale, il est nécessaire de baser nos choix de programmes/projets sur des études de couts/bénéfices pour nous assurer que l’argent qu’il vienne de l’extérieur ou de l’intérieur est utilisé la où il est le plus utile.

J’ai voulu également savoir quels sont les goulots d’étranglement de l’efficacité de l’aide au BF. Le coordonnateur de la CONEA m’a parlé des couts élevés de transaction et dures conditionnalités des PTF qui font qu’en général seulement 62% de l’APD est effectivement absorbée au BF. Il a aussi évoqué l’accroissement effréné de notre population (3.1% par an) qui fait que l’aide par tête stagne même si globalement les portefeuilles de l’aide ne cessent de croitre.

De ces deux raisons, je trouve que l’explosion démographique est la plus sérieuse car elle aggrave les défis de développement engendrés par le manque de capital. Je ne doute pas qu’une meilleure absorption de l’aide profiterait mieux le pays mais le plus important à mon avis est l’utilisation que nous faisons présentement des 62% de l’APD effectivement acquise. Puisque nous recevons l’APD depuis 1960, nous devrions être capables, au stade actuel, de dire avec exactitude quels sont les secteurs les plus sensibles à l’APD. En d’autres termes les liens entre APD, croissance économique, et réduction de la pauvreté méritent d’être investiguées de la façon la plus rigoureuse possible. Je déplore également le manque de considération de la valeur-temps de l’argent dans les évaluations des projets/programmes étatiques avant toute prise de décision. Pourtant les couts des opportunités des projets/programmes sont énormes au BF où tout est prioritaire.

Le mérite de la DP, à mon sens, est qu’il contribuera à améliorer significativement les procédures d’acheminement (8 indicateurs de progrès sont consacrés au principe d’alignement) de l’aide. Son défaut est qu’il ne met pas suffisamment l’accent sur l’impact de l’APD. Le seul indicateur de progrès vers le principe de la gestion axée sur les résultats de la DP est de constater si oui ou non il existe un cadre d’évaluation des performances dans le pays bénéficiaire de l’APD. Or, l’existence d’un cadre d’évaluation des performances dans un pays en développement ne signifie pas aucunement que ce pays a fait des progrès en matière de réduction de la pauvreté.

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